Édition du mardi 19 janvier 2016
Biodiversité : la délicate question de la gouvernance
Le projet de loi sur la biodiversité arrive aujourd’hui au Sénat en première lecture, où il sera discuté pendant quatre jours. C’est une nouvelle étape dans la genèse particulièrement lente de ce texte : déposé par le gouvernement Ayrault en mars 2014, il n’a été adopté par l’Assemblée nationale qu’un an plus tard, et il aura encore fallu attendre dix mois pour qu’il parvienne au Sénat.
Ce texte imposant (plus de 70 articles) a toujours été présenté par le gouvernement comme essentiel : il est le deuxième volet de la politique environnementale du gouvernement, après la loi de transition énergétique. L’objectif du texte est de refonder la politique de « reconquête de la biodiversité », et touche donc à de nombreux domaines : gestion de l’eau, des ressources, des milieux naturels, trames vertes et bleues, faune et flore, etc. De nombreux articles concernent directement les collectivités.
L’un des points-clés de ce projet de loi est la création de deux nouvelles instances : le Comité national de la biodiversité (CNB), qui remplacera le Comité national trame verte et bleue ; et l’Agence française de la biodiversité (AFB). Celle-ci naîtra de la fusion de plusieurs organismes existants, dont l’Onema (Office national de l’eau et des milieux aquatiques), l’Agence des aires marines protégées ou les Parcs nationaux. Les missions de l’AFB seront très larges, l’idée étant d’en faire une sorte d’équivalent de l’Ademe en matière de biodiversité : pas moins d’une quarantaine de missions différentes sont listées dans le projet de loi.
Depuis le début de la discussion parlementaire sur ce texte, la gouvernance de l’AFB fait l’objet d’âpres discussions : les associations d’élus estiment en particulier qu’elles sont insuffisamment représentées au Conseil d’administration de l’AFB (5 sièges sur 44 dans le texte adopté par l’Assemblée). Le débat est loin d’être fini. En commission, au Sénat, la question a été tranchée de façon originale : la nouvelle version ne donne plus aucun chiffre sur la composition du CA de l’AFB. Il est seulement proposé que ce CA soit composé de quatre collèges dont un qui « comprenne des représentants des collectivités locales et de leurs groupements », mais aussi, en vrac, « des représentants des secteurs économiques concernés, des représentants d’associations agréées de protection de l’environnement ou d’éducation à l’environnement, des représentants des gestionnaires d’espaces naturels… ».
Deux amendements, défendus notamment par François Baroin, le président de l’AMF, vont être discutés en séance, pour demander ou bien qu’un collège spécifique soit dédié aux représentants des collectivités territoriales ; ou bien que dans le collège prévu, « les représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements représentent au moins la moitié́ des membres », eu égard « au rôle considérable » et à « la légitimité démocratique » des collectivités et de leurs représentants.
Notons que sur ce sujet, la commission du développement durable du Sénat a un avis tout à fait différent et assez intéressant : dans son rapport, elle estime que ce débat sur la gouvernance de l’AFB est sans objet, la question essentielle étant, pour la commission, non la composition de la direction de l’AFB mais celle du CNB, le Conseil national de la biodiversité. En effet, écrivent les membres de la commission, l’AFB ne sera, à l’instar de l’Ademe, qu’un « outil de mise en œuvre d’une politique publique », et non le lieu où se prennent les décisions. En revanche, le CNB (qui va remplacer l’ancien Comité national trame verte et bleue) sera « le Parlement de la politique de biodiversité, le véritable lieu du dialogue ». La commission estime donc que le véritable enjeu, en matière de gouvernance, est là.
Mais étonnamment, le projet de loi ne prévoit rien de précis en matière de gouvernance du CNB – proposant seulement qu’il soit « composé de représentants des collectivités, des établissements publics nationaux, des organismes socio-professionnels, des associations », etc. Le texte renvoie sa composition précise à un décret en Conseil d’État. Ce qui signifie que, si le texte reste en l’état, la composition du « Parlement de la biodiversité » ne sera pas soumise à l’approbation de la représentation nationale – ce qui paraît pour le moins surprenant.
Autre question qui fait débat à propos de l'AFB : son financement. Toutes les associations environnementales estiment déjà aujourd'hui que le financement envisagé est insuffisant. Et il est, de plus, prévu que ce financement se fasse en partie sur le budget – déjà ponctionné – des Agences de l'eau. Sans compter que le texte prévoit une contribution, « le cas échéant », des collectivités locales. Reste à savoir ce qui se cache derrière cette formule plutôt floue.
Bien d’autres éléments vont être discutés au Sénat, notamment la compétence Gemapi, la création des « établissements publics de coopération environnementale », l’exonération de la taxe foncière dans les zones humides… On notera aussi qu’en commission, les sénateurs ont purement et simplement supprimé l’article qui instaurait une pénalité financière pour les maires ruraux qui ne réduiraient pas l’éclairage public. Il sera intéressant de voir si le gouvernement cherche à la rétablir.
Ce texte imposant (plus de 70 articles) a toujours été présenté par le gouvernement comme essentiel : il est le deuxième volet de la politique environnementale du gouvernement, après la loi de transition énergétique. L’objectif du texte est de refonder la politique de « reconquête de la biodiversité », et touche donc à de nombreux domaines : gestion de l’eau, des ressources, des milieux naturels, trames vertes et bleues, faune et flore, etc. De nombreux articles concernent directement les collectivités.
L’un des points-clés de ce projet de loi est la création de deux nouvelles instances : le Comité national de la biodiversité (CNB), qui remplacera le Comité national trame verte et bleue ; et l’Agence française de la biodiversité (AFB). Celle-ci naîtra de la fusion de plusieurs organismes existants, dont l’Onema (Office national de l’eau et des milieux aquatiques), l’Agence des aires marines protégées ou les Parcs nationaux. Les missions de l’AFB seront très larges, l’idée étant d’en faire une sorte d’équivalent de l’Ademe en matière de biodiversité : pas moins d’une quarantaine de missions différentes sont listées dans le projet de loi.
Depuis le début de la discussion parlementaire sur ce texte, la gouvernance de l’AFB fait l’objet d’âpres discussions : les associations d’élus estiment en particulier qu’elles sont insuffisamment représentées au Conseil d’administration de l’AFB (5 sièges sur 44 dans le texte adopté par l’Assemblée). Le débat est loin d’être fini. En commission, au Sénat, la question a été tranchée de façon originale : la nouvelle version ne donne plus aucun chiffre sur la composition du CA de l’AFB. Il est seulement proposé que ce CA soit composé de quatre collèges dont un qui « comprenne des représentants des collectivités locales et de leurs groupements », mais aussi, en vrac, « des représentants des secteurs économiques concernés, des représentants d’associations agréées de protection de l’environnement ou d’éducation à l’environnement, des représentants des gestionnaires d’espaces naturels… ».
Deux amendements, défendus notamment par François Baroin, le président de l’AMF, vont être discutés en séance, pour demander ou bien qu’un collège spécifique soit dédié aux représentants des collectivités territoriales ; ou bien que dans le collège prévu, « les représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements représentent au moins la moitié́ des membres », eu égard « au rôle considérable » et à « la légitimité démocratique » des collectivités et de leurs représentants.
Notons que sur ce sujet, la commission du développement durable du Sénat a un avis tout à fait différent et assez intéressant : dans son rapport, elle estime que ce débat sur la gouvernance de l’AFB est sans objet, la question essentielle étant, pour la commission, non la composition de la direction de l’AFB mais celle du CNB, le Conseil national de la biodiversité. En effet, écrivent les membres de la commission, l’AFB ne sera, à l’instar de l’Ademe, qu’un « outil de mise en œuvre d’une politique publique », et non le lieu où se prennent les décisions. En revanche, le CNB (qui va remplacer l’ancien Comité national trame verte et bleue) sera « le Parlement de la politique de biodiversité, le véritable lieu du dialogue ». La commission estime donc que le véritable enjeu, en matière de gouvernance, est là.
Mais étonnamment, le projet de loi ne prévoit rien de précis en matière de gouvernance du CNB – proposant seulement qu’il soit « composé de représentants des collectivités, des établissements publics nationaux, des organismes socio-professionnels, des associations », etc. Le texte renvoie sa composition précise à un décret en Conseil d’État. Ce qui signifie que, si le texte reste en l’état, la composition du « Parlement de la biodiversité » ne sera pas soumise à l’approbation de la représentation nationale – ce qui paraît pour le moins surprenant.
Autre question qui fait débat à propos de l'AFB : son financement. Toutes les associations environnementales estiment déjà aujourd'hui que le financement envisagé est insuffisant. Et il est, de plus, prévu que ce financement se fasse en partie sur le budget – déjà ponctionné – des Agences de l'eau. Sans compter que le texte prévoit une contribution, « le cas échéant », des collectivités locales. Reste à savoir ce qui se cache derrière cette formule plutôt floue.
Bien d’autres éléments vont être discutés au Sénat, notamment la compétence Gemapi, la création des « établissements publics de coopération environnementale », l’exonération de la taxe foncière dans les zones humides… On notera aussi qu’en commission, les sénateurs ont purement et simplement supprimé l’article qui instaurait une pénalité financière pour les maires ruraux qui ne réduiraient pas l’éclairage public. Il sera intéressant de voir si le gouvernement cherche à la rétablir.
Franck Lemarc
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